Courants épiques est un spectacle insolite dont l’ambition est d’adapter la danse traditionnelle bretonne pour l’espace public contemporain, notamment dans le cadre du théâtre de rue. Nous avons tous déjà vu, au moins une fois dans notre vie, un spectacle de danse traditionnelle lors de festivités spécifiques aux traditions d’une région, d’un village... Généralement, ces spectacles nous offrent à découvrir les pas de danse relatifs à une culture locale avec ses tenues et sa musique, et se jouent principalement dans des cadres « typiques ».
Aujourd’hui, certains passionnés de ces danses souhaitent aller plus loin dans leur démarche et aller à la rencontre des publics par le biais de nouveaux vecteurs de diffusion et d’expression. De cette volonté, est née une inhabituelle collaboration entre La Confédération Culturelle Bretonne Kendalch’ et le Fourneau Centre National des Arts de la Rue, permettant ainsi au Cercle de Kerfeunteun de créer un spectacle de nouvelle facture, avec 70 danseurs et 10 musiciens.
Le défi a été largement relevé grâce à un admirable travail et une grande détermination de la part des danseurs, des musiciens, mais aussi de Martine Rateau et Philippe Jacob, collaborateurs artistiques sur le travail de mise en rue et les costumes. De cette fructueuse création, est né un spectacle haut en couleurs et doté d’un grain de folie grâce à sa manière d’occuper l’espace public, le tout lui attribuant un charme incomparable dans le domaine de la danse traditionnelle.
Dès le début des festivités, la surprise est au rendez-vous : les danseurs, dispersés de part et d’autre, se frayent un chemin en courant au milieu du public, comme pour annoncer un heureux événement, se rassemblant progressivement et esquissant leurs premiers pas de danse.
On y découvre de jeunes femmes dont l’accoutrement se situe à mi-chemin entre la tenue traditionnelle et la tenue d’écolière déjantée : des baskets type Converse aux pieds, des collants et un chemisier aux couleurs vives, le tout agrémenté d’un ensemble tailleur noir constitué d’une jupette ample et d’un petit veston brodé. Pour quelques-unes, de petits rubans dans les cheveux sont assortis à la couleur de leurs collants et d’exubérants colliers aux couleurs pourpres voltigent à la cadence de leurs gestes. Pour les hommes en costume noir brodé et mocassins, la tenue est plus stricte, mais il n’y a rien d’égalable à leur sourire, leur regard déterminé et leur visage illuminé par leur entrain à ambiancer la rue.
En même temps que les danseurs avancent dans leurs diverses chorégraphies en couple, en solo, en trio, en ronde et en rangs, ils avancent dans l’espace et investissent la rue, invitant les spectateurs à suivre leurs pérégrinations.
Les dix musiciens qui les accompagnent apportent beaucoup de relief au spectacle, tout d’abord parce qu’ils sont un formidable écho à la danse, mais aussi parce qu’ils ont créé un répertoire original, largement inspiré de la musique traditionnelle bretonne et à la fois métissé de sonorités contemporaines et voyageuses.
L’originalité de ce spectacle réside dans sa théâtralisation, qu’il s’agisse de l’occupation de l’espace ou du « jeu d’acteur » des danseurs. Ce fabuleux mariage entre tradition et modernité ne dénature en rien les fondements d’une danse traditionnelle bretonne, prouvant par là même sa capacité à traverser le temps et à se renouveler, sans pour autant renoncer à ses racines.
Texte : Carole Michel
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