Journal Vidéo Spécial 1 Watt
« Zlap ! », « Rack ! », « Plam ! », « Tloc ! », « Boc ! », « Planc ! », « Tachlllle ! », « Slap ! ». Et ça travaille! Ça pivote, ça enjambe, ça tape, ça coule, ça grimpe, ça étale, ça claque, « et puis après ! », « et là ! », « et ici ! » Et nous voilà embarqués dans le cirque infernal des constructeurs, des pros de la brique ! Deux clowns maçons nous emmènent dans leur quotidien qui devient une vraie aventure explosive, rugueuse, sensible, légère, féroce, bref un vrai régal ! Le public en redemande ! Heureusement il y a 4 épisodes ! (Avec du poulet s'il vous plaît !)
C'est l'histoire d'un duo, de deux gaillards bien turbulents et ubuesques ! Un vrai duo de clowns (bien sûr de nombreuses images nous viennent à l'esprit: Laurel and Hardy, Tati, Buster Keaton, S. Beckett...) Des attachants, des attachés de la brique qui nous entraînent dans leur monde passionnant de la drôlerie, du burlesque parsemé de poésie... Ils comptent, ils mesurent. Ils construisent un mur. C'est le point de départ. « Ceci n'est pas une machine, c'est un homme ! » Bien. Nous y voilà. Nous sommes en plein dedans. Avec eux. Pris dans le monde ouvrier, qu'on connaît peu et qui n'est pas souvent montré. Construisons, déconstruisons, inventons ! Faites place au « Mur » !
Il y a tout d'abord un Grand. Et un moins Grand. (Pierre Pilatte et Alexandre Thery) Chacun a son caractère, sa personnalité. Le Grand nous emmène dans son univers totalement burlesque. Il est forme, corps tordu, souple, il est déformation, il est répétition du coude, il est onomatopée, il est ralenti, accélération, il est danse, et attention son corps est l'épouse de la brique ! ; de sa hauteur il nous éblouit. Son compère, le moins Grand, nous picote les sens, il est énergie. Il nous fait sortir de notre peau, il est ciment, il se faufile dans les trous revêches du Mur. Il nous calme puis d'un seul coup explose ! Il nous surprend tout le temps, il bondit, il est fauve, dans l'arène du Mur. Il parle, il se parle, il lui parle, il le raccroche, il l'embrasse. Il est l'orateur alpiniste charismatique de la brique. Nos deux comparses sont la continuité de tout objet qu'ils trouvent et dont ils rendent grâce à chaque fois, par leur imagination débordante. Ils sont deux étincelles d'étonnement constant. Ils orchestrent une véritable épopée, une sorte de rituel. De la brique à la brique. Construisons. Ne perdons pas de temps. « Travail bien fait ! » comme dit l'un d'entre eux. Face à ce duo imposant, il y a un troisième, plus discret (qu'on verra surtout au début), qui, me dit-on, est un vrai maçon ! Il est le référent de la matière, du bras costaud et de la tête bien aiguisée ! Il nous ramène à la Réalité. Il est la construction par le geste, un geste précis et sensible.
Le mur se construit. Un incroyable théâtre d'objets évolue sous nos yeux. Ils utilisent les objets pour leur fonctionnalité mais aussi pour leur matière, leurs sons, leur musique. Ainsi, en plus du magnifique travail sur les personnages et de leur gestuelle, il y a un beau travail sonore qui nous donne l'impression que les briques vivent de l'intérieur. Sensations olfactives, sensitives, et auditives sont au rendez vous! L'eau coule et le feu crépite. Tout ceci est ingénieux, et le mur se transforme, et prend vie ! Cette épopée nous happe totalement car le rythme n'est jamais le même. Cela va vite, très vite, éclate ! Le rapport avec le public est intense et très drôle ! Les gens se font malmener joyeusement, et ils adorent cela ! Il y a une panique générale qui est créée. Puis le rythme devient douceur, sensualité. Les deux corps se heurtent au mur, au public, puis se rencontrent. Des moments calmes, puis frissonnants, le corps caresse la brique et la danse folle s'installe.
Ils construisent petit à petit leurs deux maisons. Ils cassent, c'est une fenêtre qui apparaît. L'ouverture est là. Ils se parlent. « C'est drôle je ne vous voyais pas comme ça ! » Ils sont « Voisins » : couple fondamental du monde moderne ? L'homme Clown apparaît comme étant l'homme Philosophe. « Qu'est ce qui nous anime ? » demande-t-il sur la place publique.
Le mur est placé au cœur de la cité. Il occupe l'espace public. Il est à côté de la mairie. Le public vit tous les jours avec ce mur qui a pris sa place. La question de sa place, du « qu'est ce qu'on fait là ? » est posée. Y a t-il de la place pour l'humain ? Et comment pouvons nous cohabiter ?
Le thème suivant, évoqué par la présence du mur, est celui de la frontière. La guerre est là. Ils défendent leur peau, leur mur, leur territoire. La phrase « Vos papiers !!» gueulée par l'un des comédiens, s'accrochant violemmemt aux personnes dans le public, nous ramène à une réalité bien concrète car actuelle, et nous rappelle notre politique violente d'aujourd'hui face à l'immigration.
Générosité, intelligence et humour nous transportent de bonheur dans ce spectacle. Cette fresque est avant tout poétique car parlant de la vie de tous les jours, de tous les instants forts ou pas, entre deux voisins, entre deux personnages qu'un mur sépare et réunit à la fois. Et elle nous livre une fin digne d'une fin d'un Chaplin.
Texte : Catriona Laing
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