Carantec, samedi 31. Les 3 coups explosifs de la soirée de clôture du Mai des Arts 2008 en pays de Morlaix viennent de retentir. Brandissant les 52 kg de clés des communes de ce rituel printanier, Messieurs Gueguen, Fily, et Hervé, respectivement maires de Carantec, St Martin des Champs et président de Morlaix Communauté, Mme Le Brun, maire de Morlaix et son adjoint à la culture Georges Auregan, entourés des co-directeurs du Centre National des Arts de la Rue, le Fourneau, Mme Bosseur et M. Morizur annoncent du balcon de l'hôtel de ville, au public en bas sur l'esplanade de la petite ville balnéaire, qu'ici, là-même où se conclu le MAR débutera le FAR 2008. C'est par la rivière liant Carantec à Morlaix, trait d'union entre la mer et la terre, d'un rendez-vous festif à l'autre, qu'arriveront les joies estivales des Arts de la Rue dès le 4 août prochain.
A 20h33, la soirée concluant la 8ème édition du Mai des Arts commence sous le signe de la déambulation, dans la lumière rayonnante des rue de la cité, animées par les artistes et le public réunis. Madame Bobage entraîne sa « fanfare perdue », à un nettoyage de rue à l'encaustique au son d'une musique celtique jouée par 4 musiciens cuivrés. La déambulation propreté est emmenée par Anita la brésilienne. Son crédo, c'est « la vie en propre », non pas au Kärcher mais avec un balai. Coiffé de son fichu jaune vert, armé de son essuie-glace, la trépidante technicienne de surface zigzague sur la voirie emportant avec elle, des abri-bus aux latrines publics, le public amusé par tant de gesticulation.
A trois reprises, 20h33, 21h20 et 22h02 : la Cie du Deuxieme invite le public à une déambulation gustative. En route vers l'innovation culinaire et moléculaire, trois couples de démonstrateurs parcourent les rues en poussant des caddies-présentoirs. Les créateurs d'amuse-gueule animent trois stands, vantant les mérites des saveurs nouvelles d'aujourd'hui. L'appétit aiguisé et impatient après 20 minutes de boniments sur la mort du petit commerce, la nécessité de s'adapter au plaisir gustatif de mets industriels, alternatifs mais « goûtus », fussent au prix de sa libido et la cause de stérilité, le public-consommateur passe du rire aux larmes. Séduit par cette malbouffe « bio » présentée par des traiteurs aux couleurs uniformes, le public déjà habitué au poulet à l'eau javellisée (!), devient goûteur de produits innovant : le fameux Fishice, la glace au goût poisson, la Compote de Compost ou encore le Diabolo Savoyard. Crépitant sur la langue, savant mélange de limonade à l'acide citrique et de molleton, un fromage au lait de veau à la saveur hypermoderne aux allures de fines tranches plastifiées, la recette de montagne à l'instar des autres tendances nutritives de la Cie du Deuxieme régale le public, extasié, les yeux au ciel, s'exclamant : « Mmh ! C'est bon ! »
A partir de 20h33 : Schpouki Rolls invite les personnes présentes dans une cour située à l'écart du flot des rues, à une infime déambulation autour du « Cercle ». Au fil des regards croisés, bras tendus, échanges de mains, les comédiens-danseurs ramènent l’intérieur vers l’extérieur, l'un vers l’autre et inversement... leurs mouvements acrobatiques dessinent une écriture spatiale de pleins et déliés, entre sensations et perceptions.
Au « café de la paix, le 28 octobre 1949 » à 21h03, la compagnie Sucre d'Orgue adoucit nos coeurs et nos esprits avec des histoires à déambuler dans le temps. De randonnées à bicyclette d'ex-résistants coco aux amours du temps des cerises et des fruits défendus, sur fond de déshonneur patriotique et de crâne rasé, la grande histoire fait irruption par la petite lucarne dans celle des gens ordinaires. Avec l'arrivée de la télé, c'est l'histoire d'Edith et Marcel qui perturbe la vie de ce couple de bistrotiers et de Violette, leur serveuse. Nous, public-client du café, lorgnons sur un zinc d'époque et une télé des années 50, dans l'odeur de chicorée au son de l'hymne à l'amour du petit oiseau. L'écriture théâtrale classique nous donne l'occasion de partager les espoirs et désillusions des personnages, d'être le témoin des scènes de ménage et autres règlements de compte d'après guerre.
22h32. Avec la folle et tonitruante déambulation de Karnavires, Carantec est devenu le théâtre d'une révolution pyrotechnique aux artifices de couleurs explosives, projetant des étincelles dans le ciel et nos têtes dans les étoiles. « Etre ou ne pas être » est une allégorie, onirique et furieusement spectaculaire d'un lâcher de clowns plus inquiétant que pittoresque à un carrefour. Leur vie en quête d'une scène de cirque ressemble au rite du feu, au milieu des étincelles crépitantes et l'odeur des fumigènes, dans la violence des portes qui claquent rythmées par une musique débridée dans l'esprit du « no smoking orchestra » à l'image des personnages, entre repos éternel et joyeuse parade circulaire dans l'arène de M. Loyal.
Alternant les genres et propositions artistiques entre la mairie et l'église, cette dernière soirée du Mai des Arts 2008 en pays de Morlaix offre au public de belles performances d'une rue, prolongée à l'horizon par la plage de Carantec.
Arnaud Anquetil
Envoyé spécial du Mai des Arts 2008