Le bonheur au bout du fil.
Ramdam, Cie Les Chercheurs d'Air
"Tu t'intéresses ?" lance la comédienne Dominique Lemaître au public installé devant le bâtiment B1 de la cité des Marronniers. Oui, curieux de voir ce Ramdam sur les hauteurs de Morlaix. "Il faut le mériter ce spectacle !" déclare essoufflée une spectatrice remontant la rue Ange de Guernisac. Depuis l'Office de tourisme, elle a suivi un fil blanc tracé au sol...
Au bout du fil, une femme est assise, seule. Elle est entourée d'un bric-à-brac de casseroles et d'appareils électro-ménagers. Devant elle est tendu un fil (à linge) rouge.
Elle habite là... au pied de l'immeuble B1.
Aujourd'hui, rien que pour le public morlaisien, elle brade : une robe, une ardoise pense-bête, une "pluche de pomme de la terre" (comprenez une épluchure de pomme de terre). Le bazar qui gît tout autour d'elle est à l'image de notre monde : "Le monde créé en sept jours, d'accord mais il y a pas de service après vente ! Quand ça se déglingue, y a plus personne..." La femme est un peu philosophe, un peu rêveuse aussi.
"A quoi pensent les femmes quand elles nettoient ?" questionne une voix.
La femme est mère de famille, mais ses enfants n'existent-ils que dans sa tête ?
La femme est aussi une ménagère accomplie, une femme d'intérieur sans intérieur.
La femme est naïve, son esprit divague, elle danse...
Soudain, le fil à linge rouge se déplace, apportant avec lui la robe qui y était accrochée.
Tout autour de la femme, un univers se dessine à partir de rien. Les objets sont détournés de leurs utilisations habituelles : le four devient lave-linge, la bouilloire fer à repasser, et la table à repasser devient table à manger. La femme fait avec ce qu'elle a, et avec un peu d'imagination tout est possible... Il suffit d'y croire avec elle.
Au niveau du deuxième étage de l'immeuble réapparaît la robe en suspension le long de la façade. Poésie urbaine...
Dominique Lemaître, "chercheuse d'air" à l'extérieur des murs du théâtre classique, est contagieuse. Sa générosité de jeu et la partition expressive qu'elle décline tout au long du spectacle attendrirait le plus endurci des hommes, rendrait prêteur le plus possessif des enfants.
Ramdam est un solo sensible au féminin dont on suit le fil avec bonheur. "C'est quoi le bonheur ?" (pas de réponse dans le public...) "J'aurais dit le malheur vous auriez eu plein d'idées."
Comme elle dit si bien : "Le bonheur c'est personnel." Et bien personnellement, j'ai trouvé le bonheur en ce mardi soir à la cité des Marronniers.
Un peu plus tôt dans l'après-midi...
Marguerite, Anne et Bernard préparent leur prestation de ce soir avec Dominique Lemaître. Pendant le spectacle, ces habitants de l'immeuble des Marronniers vont participer au spectacle et produisant des images collectives : étendre du linge au balcon, lever son verre au moment de l'apéro. De petites participations pour des images fortes.
Marguerite, 81 ans, n'en revient toujours pas de participer à une pareille chose : "Il n'y a jamais rien ici. Et comme je ne peux pas descendre dans le centre ville pour voir les autres spectacles, c'est bien qu'ils soient venus devant chez moi." "C'est la première fois que je participe à un spectacle", poursuit-elle.
De mémoire de Marronniers, la cité n'avait jamais été aussi animée.
Valérie, une habitante qui a été
d'une grande aide pour l'équipe
du FAR dans ce projet aux Marronniers. |
Marguerite,
habitante complice. |
Texte : Aurélien Marteaux
Photos : lefourneau.com |